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Olivia Grégoire, députée : « Avec ce décret sur le conjoint collaborateur, l’idée n’est pas de compliquer le quotidien des entrepreneurs, mais bien de sécuriser celui de leur conjoint »

Affaires - Sociétés et groupements
15/10/2019
Le décret sur la protection du conjoint collaborateur du dirigeant qui exerce une activité professionnelle régulière dans l'entreprise vient tout juste de paraître au Journal officiel. Retour avec Olivia Grégoire, députée, auteur de l’amendement qui a introduit dans la loi PACTE ce renforcement de la protection de ce type de collaborateur sur le dispositif mis en place pour garantir leurs droits.
Actualités du droit : A-t-on des statistiques sur la proportion de conjoints de chefs d’entreprise travaillant régulièrement dans l’entreprise de leur conjoint sans être déclarés ?
Pas d’ordre de grandeur particulier, mais une certitude : il y en avait trop. Quand un conjoint préfère cacher son activité plutôt que de bénéficier d’une protection, peu importe que ce soit dû à la complexité administrative, à l’insécurité juridique, ou à l’inanité de certaines dispositions, c’est qu’il y a un problème.

Or, le fondement même de notre action dans le cadre de la loi PACTE, c’est justement de répondre à ce genre de problèmes du quotidien, d’où les articles votés au Parlement et les décrets désormais publiés.

ADD : Quelle proportion de femmes sont concernées parmi ces conjoints collaborateurs ?
Les femmes représentent la majorité des cas concernés et cela souligne d’ailleurs un autre problème : trop peu de femmes se décident à lancer leur propre projet entrepreneurial. Dès lors, comment les y inciter ? Comment créer les conditions d’une égalité des chances pour que les femmes puissent profiter des opportunités qui existent pour les hommes ?

C’est un axe fort de notre politique, que l’on retrouve dans la loi PACTE mais aussi dans la loi Avenir professionnel ou encore dans les mesures prises par Marlène Schiappa.

ADD : Que prévoit concrètement la nouvelle version de l’article L. 121-4 du Code de commerce ?
Cette nouvelle version inscrit dans le Code de commerce les dispositions votées par le Parlement lors de l’examen de la loi PACTE.

Concrètement, elle sécurise et renforce le statut du conjoint-collaborateur, en supprimant le seuil d’accès et en facilitant pour le conjoint la déclaration d’activité professionnelle régulière au sein de l’entreprise. En conséquence, cette déclaration est rendue obligatoire.

ADD : Concrètement, quelle obligation a désormais le chef d’entreprise qui s’appuie sur son conjoint pour mener son entreprise ?
Simplement celle de déclarer l’activité professionnelle régulière de son conjoint ou de son partenaire pacsé dans l’entreprise et le statut choisi par ce dernier auprès des organismes habilités à enregistrer l’immatriculation de l’entreprise. Rien de plus.

L’idée n’est pas de compliquer le quotidien des entrepreneurs, mais bien de sécuriser celui de leur conjoint.

ADD : N’était-ce pas déjà le cas avant la loi PACTE ?
Avant la loi PACTE, c’est l’incertitude qui régnait ! Et cette incertitude poussait certains entrepreneurs à faire le mauvais choix, celui de ne pas déclarer l’activité de leur conjoint, qui se voyait dès lors privé des droits liés à l’activité : préparation de la retraite, protection contre les accidents de la vie…

C’est en discutant avec les entrepreneurs, avec les représentants des commerçants et des artisans, que nous sommes arrivés aux mesures qui nous intéressent.

ADD : Pouvez-vous revenir sur les conditions d’application et les modalités prévues par le décret ?
Elles sont classiques : c’est au moment de la création d’entreprise, ou bien dans les deux mois suivants soit le changement de situation de l’entreprise soit le changement d’activité du conjoint, que l’information doit désormais être fournie au centre de formalité des entreprises.

L’affiliation des conjoints-collaborateurs prend effet à la date de réception de cette déclaration. 

ADD : Donc, dans tout dossier de déclaration d'entreprise auprès du centre de formalités des entreprises, le chef d’entreprise devra préciser la situation du conjoint collaborateur ?
Oui. À défaut, il sera considéré que le chef d’entreprise a choisi pour son conjoint le statut de salarié.

ADD : Quelle sera la sanction en cas de non-déclaration ?
Il n’y a pas de modification du régime de sanction, la volonté du législateur étant bien au contraire d’éviter le plus possible les cas de requalifications, lesquelles sont souvent assorties de pénalités lourdes pour les petites activités concernées.

ADD : Pour les sociétés déjà constituées, les dirigeants ont-ils un délai pour effectuer cette déclaration ?
Les sociétés constituées ne sont tenues d’effectuer cette déclaration qu’en cas de modification de leur situation.
Le chef d’entreprise a alors deux mois pour préciser le statut de son conjoint.

ADD : Ne seront donc protégés que les conjoints liés par mariage ou Pacs, est-ce bien cela ?
Tout à fait, car il faut être capable de distinguer les véritables unions des cas – qui peuvent toujours exister – d’arrangements à fin d’optimisation.

ADD : Quelle protection ce décret va-t-il en pratique leur offrir ?
Simplement la protection à laquelle ont droit tous les conjoints-collaborateurs. À savoir une affiliation à la Sécurité sociale et, en échange du versement de cotisations sociales, des droits propres, pour la retraite (base et complémentaire), pour les indemnités journalières (assurance maladie-maternité, accident du travail) et un droit personnel à la formation professionnelle continue.

ADD : Quand ce texte entre-t-il en vigueur ?
Ces nouvelles dispositions entrent en vigueur au lendemain de sa publication, à l'exception des dispositions supprimant les conditions de seuil pour l'accès au statut de conjoint collaborateur, qui entrent en vigueur le 1er janvier 2020.
 
 
Propos recueillis par Gaëlle MARRAUD des GROTTES
Source : Actualités du droit