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Action sociale ut singuli contre le liquidateur amiable (non)

Affaires - Sociétés et groupements
20/12/2017
L’action sociale ut singuli, destinée à réparer le préjudice causé à la société par les dirigeants, ne peut être exercée qu’à l’encontre de ces derniers et non à l’encontre du liquidateur amiable.
Les associés à parts égales dans une SARL qui exploitait un fonds de commerce ont décidé à l’unanimité la dissolution anticipée de la société et sa mise en liquidation amiable. Pour ce faire, ils ont désigné l’un d’entre eux, Pierre C. liquidateur amiable. Estimant que ce dernier avait gravement manqué à ses obligations et privilégié au préjudice des intérêts de la personne morale, ses propres intérêts ou ceux de ses enfants, les autres associés l’ont assigné, ainsi que la société en réparation du préjudice subi. Suite au décès du liquidateur amiable, un mandataire ad hoc a été désigné.

La cour d’appel a déclaré l’action sociale ut singuli recevable. Elle a commencé par rappeler que l’article L. 237-12 du code de commerce prévoit que le liquidateur amiable est responsable envers la société et les tiers des fautes qu’il a commises dans l’exercice de ses fonctions. Selon les juges du fond, « si la loi n’autorise expressément les associés à exercer l’action sociale ut singuli qu’à l’encontre des dirigeants, tel l’article L. 223-22, alinéa 3 du code de commerce qui vise précisément les gérants de société à responsabilité limitée, les dispositions de la loi sur les sociétés tendent à s’appliquer aux dirigeants au sens large, cette notion devant recouvrir tous les mandataires sociaux et donc le liquidateur, lequel se substitue aux organes de direction, étant investi des mêmes pouvoirs, même si sa mission a un but déterminé ». Ils jugent ainsi que le but de l’action ut singuli est de permettre de défendre les intérêts de la société victime d’une inaction ou d’un abus de pouvoir, lequel peut être imputable à un liquidateur amiable comme à tout autre dirigeant : « interdire cette action au motif qu’elle n’est pas expressément prévue par l’article L. 237-12 du code de commerce reviendrait à priver ce texte de toute efficacité ». Ils en concluent que « du fait de la dissolution, le seul représentant de la société est justement le liquidateur amiable qui ne peut agir contre lui-même et que la désignation d’un administrateur ad hoc qui ne dispose d’aucune donnée ni de fonds lui permettant d’agir, rend toute action de sa part illusoire ».

La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel pour interpréter strictement les dispositions de l’article L. 223-22 du code de commerce : ces dispositions n’autorisent les associés à exercer l’action sociale en responsabilité que contre des gérants.

Cet arrêt confirme une jurisprudence constante : l’associé ne peut exercer l’action ut singuli au nom de la société liquidée contre le liquidateur amiable pour l’indemnisation du préjudice subi par celle-ci (Cass. com., 21 juin 2016, n° 14-26.370). Les associés peuvent demander en justice la désignation d’un mandataire ad hoc qui pourra agir contre le liquidateur.

Pour plus de développements sur le régime de l’action en responsabilité du liquidateur, voir Le Lamy Sociétés commerciales 2017, n°s 1686 et s.
 
Source : Actualités du droit