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Réforme du prélèvement à la source : le 1er janvier 2019 se confirme

Civil - Fiscalité des particuliers
Affaires - Fiscalité des entreprises
12/10/2017
Ce mardi 10 octobre, le gouvernement a transmis au Parlement les trois rapports commandés avant l’été sur le dispositif prévu pour la mise en œuvre du prélèvement à la source (PAS), qui a été décalée au 1er janvier 2019.
Soucieux de préparer au mieux les parties prenantes à cette réforme, et d’évaluer le dispositif avant sa mise en œuvre, le gouvernement fraîchement élu avait annoncé dès avant l’été, le report d’un an de son entrée en vigueur, qu’il a finalement formalisé par une ordonnance du 22 septembre 2017 (Ord. n° 2017-1390, 22 sept. 2017, JO 23 sept.). Dans le même temps, des travaux d’évaluation et d’expérimentation avaient été lancés. Leurs résultats viennent d’être dévoilés dans trois rapports remis au Parlement.

Trois rapports à l’issue de trois mois de travaux

Le premier rapport présenté par l'Inspection générale des finances (IGF), a été établi avec le concours d’un cabinet d’audit privé, le cabinet Mazars, à la demande du ministre de l’Action et des Comptes publics. Il s’est penché sur la robustesse du dispositif et la charge réelle incombant aux futurs collecteurs.

Le deuxième rapport réalisé à la demande du Parlement lui-même, présente les résultats des expérimentations en conditions réelles menées entre les mois de juillet et septembre 2017 avec le concours de 600 parties prenantes – entreprises et collecteurs publics ainsi que la plupart des éditeurs de logiciels de paie.

Le dernier rapport livre quant à lui une analyse de deux dispositifs alternatifs à la réforme prévue, et décrit ce que pourraient être leurs modalités de fonctionnement, leurs délais de mise en œuvre et les conséquences sur les contribuables, les tiers payeurs de revenus et l’État. Il présente également les limites de ces options au regard de l’objectif de contemporanéité de l'impôt.

Même s’ils mettent en lumière certaines difficultés, le gouvernement affirme que ces rapports penchent en faveur de la mise en œuvre du prélèvement à la source au 1er janvier 2019, et viennent ainsi en contradiction avec les conclusions de l’étude d’impact réalisée par le cabinet TAJ pour la délégation sénatoriale aux entreprises peu avant l’été (cf. Étude de l’impact, pour les entreprises, du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu, 28 juin 2017 ; voir Les Nouvelles Fiscales n° 1205, p. 27). Cette étude avait en effet mis l’accent sur l’importante charge administrative et financière supplémentaire pour les entreprises, plus spécialement les TPE/PME, que ce soit l’année de la mise en œuvre ou les années suivantes, ainsi que leur forte crainte de voir les relations sociales se dégrader.

Un coût financier revu à la baisse

Là où le cabinet TAJ avait estimé la charge financière pour les entreprises à 1,2 milliard d’euros, le rapport de l’IGF l’évalue entre 310 et 420 millions d’euros, en précisant que « plus de 70 % de cette charge est liée à la valorisation monétaire du temps de travail interne aux entreprises », pour le paramétrage des logiciels, la formation des utilisateurs et la communication auprès des salariés (Rapp. IGF n° 2017-M-046, « Audit sur les conditions de mise en œuvre du prélèvement à la source », p. 6). Une charge qui pourrait, d’après ce rapport, être réduite par une forte mobilisation de l’Administration au moyen notamment d’un dispositif d’assistance aux collecteurs dans le déploiement de la réforme (allégement des modalités et règles de gestion, fourniture d’un kit de démarrage dès 2018, etc.) et d’un plan de communication auprès des contribuables. Mais l’État devra d’ailleurs assumer un coût non négligeable, de l’ordre de 140 millions d’euros. Pourtant, le rapport de l’IGF conclut que « la charge globale n’apparaît pas insurmontable ».

Prompt à réagir, le rapporteur général de la commission des finances du Sénat, Albéric de Montgolfier, souligne dans un communiqué du 10 octobre, qu’il ne faut pas oublier que les entreprises devront, une fois la réforme mise en place, supporter « un coût récurrent annuel de 60 à 70 millions d’euros », d’après ce même rapport de l’IGF.

Des garanties jugées suffisantes en matière de confidentialité

Sur les enjeux de protection des données personnelles et de la vie privée des salariés, le gouvernement indique que « la mission IGF conclut que les garanties données au contribuable en matière de confidentialité sont satisfaisantes (option pour le taux individualisé ou pour la non-transmission du taux notamment) et qu’il existe des souplesses laissées à ce dernier (possibilité de moduler le taux de prélèvement ; pour les indépendants, possibilités de reporter des échéances en cas de difficultés de trésorerie et d’interrompre le versement de l’acompte dès qu’ils cessent leur activité) ».

Le rapport indique en effet que « l’arsenal prévu pour protéger la confidentialité des contribuables est suffisant ». Il est toutefois précisé dans sa synthèse que « l’étude réalisée par le cabinet Mazars pour la mission sur plusieurs cas-types d’entreprises, ainsi que le "test usagers" organisé par la société BVA, révèlent (...) les sujets de crispation potentiels dans la réception de la réforme par l’ensemble des collecteurs et contribuables. Les auditions des organisations patronales et syndicales ont confirmé les difficultés et doutes que la réforme suscite encore ». L’acceptabilité de la réforme ne semble donc pas acquise et l’Administration devra fournir des efforts.

Des difficultés techniques surmontées ?

D’après le deuxième rapport, la phase de test en conditions réelles, réalisée grâce à la contribution d'un grand nombre de partenaires et des équipes de la Direction générale des Finances publiques (DGFiP) et du GIP-MDS, a permis de détecter des anomalies techniques et de les corriger, afin de stabiliser le dispositif de mise en œuvre du prélèvement à la source. Toutefois, ce rapport a identifié des marges d’amélioration qui devront conduire au renforcement de l’accompagnement et de la communication avec les collecteurs privés et publics.

En outre, ce même rapport recommande une « vigilance accrue » à l’égard des collecteurs publics. En effet, le prélèvement à la source devrait s'effectuer par le biais de la déclaration sociale nominative (DSN), désormais presque généralisée pour les collecteurs privés. Or, chez les collecteurs publics − employeurs publics, caisses de retraite, assurance-maladie, organismes complémentaires, etc. − la DSN ne devrait être mise en place qu’au 1er janvier 2020. Ce qui signifie qu’ils devront accélérer la mise en place de la DSN ou utiliser un autre système de déclaration dans l’intervalle, pour être prêts au 1er janvier 2019.

Une mise en œuvre au 1er janvier 2019 confirmée

Le gouvernement entend avec ces trois rapports « éclairer de manière transparente et objective la réflexion de la représentation nationale (i.e. le Parlement) sur la réforme du prélèvement de l’impôt sur le revenu et de ses modalités de mise en œuvre au 1er janvier 2019 » ; rapports dont il tirera les conséquences dans le projet de loi de finances rectificative qu’il présentera en fin d’année (Communiqué Minefi, 10 oct. 2017).

Une chose est sûre, le Sénat, hostile depuis le début à cette réforme (voir notre article du 12 mai 2017 : « Prélèvement à la source : le Sénat réitère son opposition »), n’en démord pas : « des réformes alternatives existent, comme le prélèvement mensualisé et contemporain proposé dans un rapport d’information publié à l’automne 2016 » (Communiqué Sénat, comm. Finances, 10 oct. 2017 ; cf. Rapp. Sénat n° 98, 2016-2017 ; voir notre actualité du 3 novembre 2016 : « Un rapport sénatorial fustige le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu »). Et ce alors même que le dernier rapport remis ce 10 octobre par le gouvernement souligne que « ces solutions alternatives ont pour effet d’alléger la charge induite pour les collecteurs mais ne procurent pas aux contribuables des bénéfices équivalents à une véritable contemporanéité de l’impôt sur le revenu ».
Source : Actualités du droit