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Prêt et adhésion à une assurance de groupe : information de l’emprunteur sur l’adéquation des risques couverts à sa situation personnelle

Civil - Contrat
17/10/2022
Le banquier qui propose à son client, auquel il consent un prêt, d’adhérer au contrat d’assurance de groupe qu’il a souscrit est tenu de l’éclairer sur l’adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d’emprunteur. Selon un arrêt rendu le 6 octobre 2022 par la Cour de cassation, la remise d’une notice claire et dépourvue d’ambiguïté ne suffit pas à satisfaire à cette obligation.
La Cour de cassation se prononce de nouveau sur l’obligation d’information et de conseil d’une banque proposant, après avoir consenti un prêt, l’adhésion à un contrat d’assurance de groupe qu’elle a souscrit.

Dans cette affaire, un prêt de 181 200 euros, remboursable en 180 mensualités, a été consenti par un établissement bancaire à un couple dont l’époux était alors âgé de 63 ans. À cette occasion, le 17 décembre 2007, les emprunteurs ont adhéré au contrat d’assurance de groupe souscrit par l’établissement prêteur, couvrant le risque de décès de l’emprunteur à hauteur de 100 % des sommes restant dues. Mais suite au décès de l’époux emprunteur survenu le 7 septembre 2016, l’assureur a refusé de prendre en charge le remboursement des mensualités du prêt au titre de la garantie décès au motif que celle-ci avait expiré au 70ème anniversaire de l’emprunteur décédé. Son épouse a alors assigné le prêteur afin d’obtenir sa condamnation à réparer le préjudice résultant pour elle du manquement de celui-ci à son obligation d’information et de conseil.

La cour d’appel l’a déboutée de sa demande au motif que la notice d’information décrit de façon suffisamment détaillée toutes les caractéristiques de l’assurance proposée, que les informations sont dépourvues de toute ambiguïté, non sujettes à interprétation et que les mentions relatives à la catégorie des prêts et à l’âge limite de garantie sont imprimées en police normale et en gras, « ce qui permet de retenir l’attention du lecteur-emprunteur sur ces points ».

Les juges d’appel relevaient que les emprunteurs avaient déjà effectué, préalablement à l’opération en cause, trois opérations de défiscalisation pour lesquelles les prêts arrivaient à échéance en 2020, soit après le 70ème anniversaire de l’emprunteur décédé, ce qui démontrait que les emprunteurs ne pouvaient se croire garantis jusqu’à l’échéance du prêt, et que le tableau d’amortissement du prêt remis aux emprunteurs n’incluait pas des cotisations d’assurance constantes sur toute la durée du prêt, « de sorte qu’il n’a pas pu créer dans leur esprit une illusion de garantie au-delà des 70 ans ».

Ils en déduisaient que les emprunteurs avaient été parfaitement informés de la fin de la garantie décès du prêt à la date d’anniversaire des 70 ans de l’époux emprunteur et avaient choisi en toute connaissance de cause l’assurance proposée par la banque. Dès lors, aucune faute de celle-ci n’était démontrée.

Après pourvoi de l’épouse, l’arrêt est censuré par la Cour de cassation au visa de l’article 1147 ancien du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. Ce texte implique que « le banquier qui propose à son client, auquel il consent un prêt, d’adhérer au contrat d’assurance de groupe qu’il a souscrit à l’effet de garantir, en cas de survenance de divers risques, l’exécution de tout ou partie de ses engagements, est tenu de l’éclairer sur l’adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d’emprunteur, la remise d’une notice claire et dépourvue d’ambiguïté ne suffisant pas à satisfaire à cette obligation. » (voir également : Cass. 2e civ., 15 sept. 2022, n° 21-13.670, B : Manquement au devoir d’information de la banque : toute perte de chance ouvre droit à réparation, Actualités du droit, 21 sept. 2022).

Ainsi, la cour d’appel aurait dû rechercher si le prêteur avait éclairé les emprunteurs sur l’adéquation du risque couvert par le contrat avec la situation personnelle de l’emprunteur décédé.
Source : Actualités du droit