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Cameroun : l’encadrement juridique des contrats de partenariat public-privé

Afrique - Droits nationaux
08/01/2018
Qu’il soit vu comme un simple phénomène de mode ou comme un véritable moyen alternatif de financement des investissements des Etats faisant intervenir les personnes privées, le contrat de partenariat public-privé fait de plus en plus ses preuves. Mais, pour que le recours à cette formule soit véritablement efficace, il importe, au-delà des différents modèles qui ont été élaborés ici et là, que le partenariat public-privé s’insère véritablement dans l’environnement des Etats qui y recourent. D’où la nécessité d’un encadrement juridique adéquat, selon Yvette Rachel Kalieu Elongo, professeur agrégée de droit privé, Université de Dschang (Cameroun).
Le contrat de partenariat public privé (PPP) peut être défini comme un contrat de longue durée passé entre un État, une collectivité territoriale ou, de manière générale, une personne publique et une personne privée, afin de réaliser une mission globale comprenant la conception, le financement, la construction, la réhabilitation, la transformation, l’entretien, l’exploitation ou la gestion d’investissements qui concourent à l’exercice de missions de service public.
Le PPP participe des formes de contrats qui permettent aux personnes publiques de réaliser des prestations avec un tiers sans subir les contraintes des contrats de marchés publics classiques. Faisant partie des contrats de commande publique, il se situe donc entre le marché public et la privatisation. Le Contrat de PPP est à la fois une opération complexe et un contrat global qui fait intervenir différents acteurs (État ou ses démembrements, investisseurs, prêteurs et consommateurs). Ces intervenants ont des attentes différentes mais qui doivent être conciliés dans le cadre du projet à réaliser.

Les avantages et les inconvénients de cette nouvelle forme contractuelle ont été largement présentés (voir par ex., Marty Fr., Voisin A. et Trosa S., Les partenariats public-privé, éd. La découverte, Paris, 2006). Efficacité et efficience des projets publics, obtention de ressources supplémentaires pour couvrir des besoins de l’État, transfert de certains risques à la personne privée en sont quelques-uns des avantages alors que l’alourdissement du passif de l’État, la réduction de la flexibilité de l’État, le risque de défaillance éventuelle et l’insolvabilité des partenaires privés font partie des inconvénients.

Le Cameroun, à l’instar de nombreux autres pays à travers le monde (pour se limiter aux pays africains, on peut citer parmi les pays ayant adopté un cadre légal, les pays tels que le Burkina Faso, la Côte-d’Ivoire, le Maroc, la Tanzanie, World Bank, Guide de référence des PPP, version 2.0) n’a pas échappé à la mode des PPP. Pour recourir efficacement à ce nouvel outil de financement, il s’est doté depuis près d’une décennie déjà, d’un cadre réglementaire relativement complet. En effet, le cadre juridique applicable aux PPP ne se limite pas à un encadrement légal somme toute nécessaire et primordial des contrats, il va-delà pour prendre également en compte les aspects fiscaux, douaniers et comptables de cette opération en ce qu’i s’agit parfois aussi d’attirer les investisseurs privés tant nationaux qu’internationaux.

La réglementation des PPP au Cameroun, pour s’en tenir à la réglementation spécifique, est constituée de :
- la loi n° 2006/012 fixant le régime général des contrats de partenariat dont les modalités d’application sont prévues par le décret n° 2008/0115/PM du 24 janvier 2008 ;
- la loi n° 2008/009 du 16 juillet 2008 fixant le régime fiscal, financier et comptable applicable aux contrats de partenariat ;
- du décret n° 2008/035 du 23 janvier 2008 portant organisation et fonctionnement du Conseil d’appui à la réalisation des contrats de partenariat tel que modifié par le décret n° 2012/148 du 21 mars 2012 ;
- de l’arrêté n° 186/CAB/PM du 15 novembre 2011 fixant les taux et les modalités de perception des frais exigibles au titre des contrats de partenariat ;
- et enfin de la circulaire n° 002/PM du 15 février 2012 portant instructions relatives aux modalités de promotion de la sous-traitance en matière de contrats de partenariat et de contrats négociés dans le cadre de l’application des autres régimes d’incitation à l’investissement (l’ensemble des textes est disponible sur le site http://www.ppp-cameroun.cm).
 
À cette réglementation, il faut ajouter les dispositions du Code des marchés publics, qui s’applique sur tous les points où il n’est pas dérogé, ainsi que les réglementations propres à certains secteurs d’activités (mine, électricité, télécommunications), dans lesquels des contrats de partenariat pourraient être conclus.

S’inspirant des réglementations similaires, la réglementation camerounaise comprend l’essentiel des règles applicables aux contrats PPP. Mais, dans le même temps, ce cadre légal comporte des particularités sur plus d’un point.

L’on note par exemple que le droit camerounais autorise, contrairement à la plupart des législations, la conclusion de contrats PPP entre des personnes morales de droit public, ce qui peut paraître contraire à l’esprit même des PPP qui impliquent la présence d’un partenaire privé dans l’opération. On relève également qu’il ne peut être recouru au PPP qu’en cas de la complexité technique ou financière du projet, ou lorsque le projet présente un caractère d'urgence.

Mais dans l’ensemble, la réglementation est conforme aux bonnes pratiques en la matière. C’est ainsi que le législateur camerounais a également créé et mis en place une unité PPP qui est appelée le CARPA (Conseil d’appui à la réalisation des contrats de partenariat). Placé sous l’autorité du ministre de l’Économie et de la Planification, il a pour rôle, entre autres :
  • la validation des études préalables au lancement d’une procédure d’attribution d’un PPP ;
  • la validation des étapes préalables au lancement d’un d’une procédure d’attribution d’un PPP ;
  • le suivi de l’exécution des contrats PPP attribués.
S’agissant des mesures fiscales, douanières et comptables applicables aux PPP, elles sont contenues dans des textes spécifiques. Ainsi, les entreprises privées impliquées dans l’exécution des contrats PPP bénéficient de nombreux avantages fiscaux tels que l’exonération de TVA sur les importations et les achats de matériel, l’enregistrement gratuitement des conventions, l’exonération de taxes douanières diverses, le bénéfice de la procédure d’enlèvement direct, la déduction des amortissements des bénéfices imposables.

Ce cadre légal incitatif et sécurisant, s’il doit permettre la conclusion et l’exécution de contrats PPP efficaces, doit cependant être concilié avec des exigences en matière de gouvernance financière et managériale pour un plein succès des contrats PPP.
Source : Actualités du droit